Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD
(Paris)

Notes


Introduciton: L'ÉDITION SUR INTERNET

En octobre 1995, s'est tenu a Paris le 13 (Colloque international de Bibliologie). Ma communication prononcée a cette occasion s'intitulait Multimédia: Mythes et Réalité1. Une partie de ce texte traitait déja de l'édition électronique mais les supports étudiés l'an dernier étaient aussi bien Internet que les cédéroms. Meme si nous demeurons l'un des pays européens les plus en retard quant a l'utilisation d'Internet2, les médias diffusés sur tout type de supports en parlent abondamment: le sujet fait vendre. Cette autopromotion des médias entre eux rappelle l'époque du lancement du Minitel. Mais l'ampleur du réseau des réseaux, a visée planétaire, amplifie nettement sa célébration. Par ailleurs, a tort ou a raison, les médias traditionnels se sentent beaucoup moins menacés par Internet qu'ils ne le pensaient du Minitel.

Le texte d'aujourd'hui porte exclusivement sur le Réseau des réseaux. L'édition multimédia s'est en effet tellement démultipliée que le temps qui nous est imparti nem permettrait pas traiter, de facon significative, de l'édition on line et off line. Bien sur, certaines caractérisitiques sont communes a la publication électronique quel que soit le support considéré; mais a contrario certaines distinctions les différencient suffisamment pour justifier notre choix.

L'activité éditoriale d'Internet comporte plusieurs facettes qui ne peuvent déja plus etre traitées en profondeur au cours d'un seul article si on les aborde toutes. Ayant déja parlé du livre et de la littérature dans d'autres textes, il est question ici de l'édition de presse.


I - ÉDITION ET ... ÉDITION

Parler d'édition au sujet d'Internet peut générer chez l'interlocuteur une certaine confusion. En effet, tandis que le terme consacré en évoquant la radio, la télévision, le cable ... est celui d'émission, le mot édition est souvent eméloyé a propos du Réseau des réseaux. Ce choix souligne la prégnance de l'écrit comme langage encore dominant sur Internet. Depuis le livrre et les différentes publications écrites sur papier, ou sur tout matériau qui en joue le role, le terme édition avait trouvé une nouvelle jeunesse a l'arrivée du Minitel. Cette constatation permet de souligner, une fois encore, les similitudes existantes entre Télétel et Internet. Ces réseaux véhiculant essentiellement de l'écrit se distinguent donc des précédents moyens modernes de communiation. En effet, le terme générique d'édition est utilisé pour déisgner tout ce qui est envoyé sur le Réseau meme si le contenu ne présente aucune caractéristique éditoriale au sens traditionnel du terme (presse ou livre). Un article récent3 indique les différents moyens mis en place par les entreprises pour "attirer le client" sur le web. Il s'agit de commerces tres différents (produits informatiques, mode, etc). Voici plusieurs citations prises a divers endroits de ce texte relativement long: "Les entreprises seront les grands éditeurs de l'Internet" ont déclaré deux réalisateurs de sites importants Philippe SCHIÉPAN (Nelson Babylon) et Fabrice SERGENT (Grolier Interactive). Le meme Philippe SCHIÉPAN qui a créé le serveur du voyagiste Nouvelles Frontieres poursuit en disant: "Les serveurs ou l'on pourra acquérir des objets et des services vont se multiplier. Et comme les autres, ils devront se démarquer, c'est-a-dire offrir aussi du contenu éditorial qui se tienne". Rien d'étonnant alors a ce que, dans ce contexte, on retrouve, a propos d'Internet, les memes catégorisations que celles de l'édition traditionnelle. C'est ainsi que Marc EDELMAN, réalisateur de site Médialect, avance en parlant du serveur Usinor qu'il a créé: "C'est d'ailleurs sur la paritie magazine du serveur, celle qui concerne l'acier de plus ou moins loin, que nous allons étre les plus actifs." On pourrait multiplier les exemples.

Outre que ces déclarations confirment l'explosion de l'utilisation commerciale d'Internet, elles soulignent aussi la catégorisation d'Internet en tant que média écrit. Parmi les questions qui se posent, celle de la qualité, que nous avions déja soulevée l'an dernier4, nous tient particulierement a coeur. La journaliste l'évoque, de facon imagée mais pertinente, en conclusion de son article: "Si toutes les entreprises se mettent a pondre des magazines a tire-larigot, l'Internet risque de devenir un gigantesque kiosque a journaux dont la plupart auront du mal a émerger". "Ils se distingueront par leur crédibilité éditoriale" répond-on chez Intégra, autre société conceptrice de sites. "Certes. Reste encore a définir ce qu'est la crédibilité éditoriale d'un web destiné in fine a faire la promotion d'une entreprise.", rétorque la journaliste. En terminant ainsi son article, elle nous re-situe au coeur de la question qui ne trouvera pas de répnse tres prochainement.

II - QUANTITÉ et QUALITÉ

Pour sortir de ce magma, mous traiterons ici de l'édition au sens plus traditionnel du terme et plus restrictif quant aux contenus. Nous nous pencherons donc sur la presse quotidienne ou magazine produite et diffusée sur Internet. Par chance, le souci de qualité a préoccupé certains acteurs de l'édition des le début d'Internet. Différentes publications ont rapidement indiqué aux néophytes les rudiments fondamentaux pour parvenir a une publication aux qualités formelles garanties. Puis sont apparues les premieres volontés d'homogénéisation de l'édition internaute. Ces étapes sont sans doute comparables a celles qui ont jalonné la longue histoire de la codification de l'imprimerie et de l'édition traditionnelle. De ce point de vue, le dernier guide intitulé L'auteur Informatique, hors série de la revue Écrire & Éditer5 qui vient de paraitre mérite d'etre salué. Il s'agit d'un vade-mecum qui indique, entre autres, les principes éditoriaux d'Internet, les formes d'écriture hypertextuelle, les sites web littéraires, l'état du marché de l'édition électronique etc.

III. - L'ÉDITION ÉLECTRONIQUE DE LA PRESSE

Selon certains, y compris des professionnels, l'édition électronique se caractérise par son faible cout et sa facilité. Ainsi Louis ROSSETTO, fondateur californien de Hot Wired, l'un des magazines électroniques les plus fréquentés du web, un "must" en la matiere, n'hésite-t-il pas a déclarer sur ARTE6 "Avec un ordinateur et une ligne de téléphone, vous devenez patron de presse". Meme si l'on apprécie l'humour et que la clairvoyance attribue aux fanfaronnades la part qui leur revient, force est de constater la fievre éditoriale qui s'est emparée d'Internet. L'édition électronique de presse peut etre divisée en deux catégories: les journaux traditionnels qui se diffusent aussi sur Internet et les publications créées pour Internet depuis l'apparition du Réseau. Les titres déja installés depuis longtemps dans l'univers papier esperent ainsi acquérir une seconde jeunesse rémunératrice. C'est ce qu'explique Pierre SIQUIER, président de l'anglais DDB Cybertime: "L'abondance d'informations appelle la consommation d'informations. Les journaux anglais ne s'y trompent pas quand ils mettent le contenu de leurs journaux sur le Net: conséquence, il y a davantage de vente papier."7 D'autres titres, créé lors de l'arrivée d'Internet tentent de "coller" aussi bien dans leur forme que dans leur contenu au nouveau média. Ils émanent le plus souvent de gros groupes de presse. Il est encore trop tot pour dresser un bilan de leur santé finaniere.

En revanche, on dispose déja de quelques résultats concernant les associations entre les groupes de presse et les fournisseurs d'acces. L'Allemagne qui utilise davantage Internet que la France et depuis plus longtemps peut déja faire des comptes. Selon une rubrique Multimédia de CB News8, l'alliance formée par Bertelsmann et AOL Europe devrait etre rentable avec deux ans d'avance par rapport aux prévisions de départ. L'équilibre devrait etre atteint en 1997-98. AOL compterait actuellement 200.000 abonnés en Europe et devrait prendre une participation dans T On Line, le service en ligne de Deutche Telekom. Le mariage entre un autre groupe de presse concurrent Burda et un autre fournisseur d'acces balbutiant a été moins chanceux puisqu'Europe On Line a fait faillite9. Dans ce domaine comme dans d'autres, les unions ne sont pas toujours heureuses!

III - 1 Les petites annonces

L'importance des petites annonces comme apport d'argent frais n'est plus a démontrer dans la presse traditionnelle qu'elle soit, quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. Des études sérieuses indiquent régulierement les montants correspondants. C'est donc tout naturellement que le nouveau réseau a été saisi par des services d'offres d'emploi en ligne. On y retrouve évidemment certains traits qui caractérisent Internet. Il s'agit exclusivement (pour l'instant, du moins) de recrutement de cadres. Les professions offertes ou demandées sont a caractere fortement technique et souvent dans une perspective européenne ou internationale. Comme nous l'avons déja souligné plus haut, ces petites annonces émanent de groupes de "magazines leaders", selon leur terminologie. Elles sont déclarées "fiables" parce que "les annonces sont des offres d'emploi publiées dans la presse", ce qui confirme la "valeur" du support écrit, y compris par les professionnels eux-memes10.

III - 2 Les informations

Press internaute = presse écrite + presse audiovisuelle
La presse d'informations internaute bénéficie des avantages offerts par le presse traditionnelle (possibilité d'imprimer chez soi, rapport tactile au papier et connaissance de l'entreprisse émettrice) auxquels s'ajoutent ceux liés au réseau. Ces derniers rapprochent la presse internaute de la presse audio-visuelle puisqu'Internet peut diffuser du texte, de l'image, de la vidéo, des sons, des bruitages, des dialogues, etc... De plus, les temps d'impression, d'édition et de distribution disparaissent au profit de constantes possibilités de mise a our permanentes. Rien d'étonnant alors a ce qui CNN se sente autant menacé que n'importe quel journal écit. CNN peut aussi diffuser en temps réel, mais a la différence d'Internet, l'inforamtion est fugitive puisqu'elle ne peut pas etre anvoyée sur imprimante. Au contraire, les entreprises de presse connectées a Internet considerent, a juste titre, comme un "plus" leur offre d'une information plus riche et plus complete. En effet, grace aux moteurs de recherche, le lecteur internaute a acces aux archives du journal ou a d'autres sites informatifs de la toile. Ces avantages sont particulierement importants pour des magazines. Ainsi le lecteur souhaitant comprendre la situation algérienne pourra-t-il, a l'occasion d'un nouvel attentat, par exemple, prendre connaissance de l'événement, bien évidemment, mais aussi connaitre la population du pays, en trouver la carte, se pencher sur l'historique de la colonisation, de son indépendance, des origines du mouvement islamiste, etc... A titre d'exemple Le Wall Street Journal Interactive, version internaute du quotidien financier américain, annonce la disponibilité de 50.000 pages d'informations et de nouvelles mises a jour en permanence11. S'il le souhaite, le lecteur pourra confronter les points de vue, ce qui est beaucoup plus fastidieux a partir de l'édition papier.

III - 3 Le monde vu par le filtre américain

Aux Etets-Unis de nombreuses expériences sont tentéses par les journaux en ligne. Afin de connaitre et d'améliorer les modes de consultation des lecteurs, l'acces aux sites de nombreux journaux est actuellement gratuit ou proposé a tres bon marché. Si la presse européenne avait continué a s'enfoncer dans son retard, le lecteur cybernautique n'aurait eu d'autre choix que de se connencter aux journaux en ligne des Etats-Unis. Comme le regrette Michel ALBERGANTI, le risque est d'obtenir "une vision tres américaine" de l'état du monde12.

III - 4. La mise sur Internet des journaux francais

Mais, depuis peu de temps, la mise sur internet des journaux francais a explosé: il y en avait 750 en janvier 1996, 1530 en octobre. On estime que 2000 journaux et magazines seront accessibles sur le Web avant la fin de l'année 96."13 Le Monde diplomatique, pionnier du genre, est diffusé gratuitement et a entrainé dans son sillage la plupart des autres titres francais nationaux et régionaux. Chaque semaine les médias indiquent les titres qui viennent de se mettre en ligne. Les autres craignent d'apparaitre "démodés".

Pour suivre l'évolution des journaux dans leur version électronique, ainsi devenus e-zines (electronic magazine) meme s'ils'agit de quotidiens, des sites spécifiques sont mis en place: Webdo pour les francais, L'hebdo pour les suisses et le mensuel électronique Cybersphere. Parmi les avantages mis en avant par les éditeurs de presse, se trouvent: l'économie de papier, d'impression et de distribution, la rapidité de la diffusion, le contournement des greves (cas du Télégramme de Brest le 27 septembre dernier) et l'absence de censure (cas du quotidien algérien La Tribune diffusé par Reporters sans Frontieres qui lui a alors ouvert son site). Certains titres profitent des possibilités techniques qu'offre Internet pour devenire completement interactifs. C'est le cas de Reporters sans Frontieres par exemple qui sollicite les pétitions électroniques des qu'un manquement aux libertés de la presse apparait quelque part. Le principal inconvénient réside dans l'inconfort de la lecture a l'écran et la nécessité de disposer d'un matériel moins facilement transportable que le journal imprimé. A long terme, on peut s'attendre a ce que la consultation sur Internet de ces publications ne soit plus gratuite des que le permettront les systemes de paiement électronique. Se répeterait alors le processus déja vécu avec l'installation de banques de données chez les entreprises de presse. La consultation, sur place, des anciens numéros a été gratuite tant que les journaux ont été archivés tels quels.

III - 5 Les magazines spécialisés

Cette possibilité de pénétrer dans les archives des éditeurs de presse présente de nombreux avantages pour les lecteurs spécialisés dans tel ou tel domaine et qui ont besoin d'une information fiable. C'est le cas, par exemple, des historiens a la recherche de dates ou de chiffres précis concernant des évenements récents (signature d'un traité, résultats d'élections, etc...) pas encore publiés dans les manuels. Dans le domaine des sciences exactes en permanente évolution, la mise a jour en temps réel évite d'attendre des résultats dépassés entre le moment de la rédaction et celui de la publication. L'édition en ligne et pratiquement en "direct" des informations concernant la retombée de la sonde russe Mars-1996 dans l'océan pacifique constitue un exemple éloquent. Toute personne intéressée a pu suivre le départ de la fusée et, par de nombreux documentaires en vidéo, approfondir ses connaissances sur la planete rouge. Des séquences audios transmettaient les témoignages de l'astronome Carl SAGAN tandis qu'un site proposait un atterrissage virtuel! alors qu'elle s'était perdue dans l'atmosphere...

Mais, comme on pouvait s'y attendre ce ne sont pas les sites des revues d'histire ou d'astronomie qui sont les plus consultées. Le palmares est peu réjouissant puisque ce sont les magazines dits "sexy" qui l'emportent, talonnés de pres par ceux des jeux. Ainsi Penthouse arrive-t-il largement en tete avec 2,9 millions de consultations par jour, Playboy n'en obtenant que 800.000. D'ailleurs Penthouse est le serveur le plus visité sur le net, tous sites confondus14. Le nombre de connections a sans doute augmenté depuis ... Pour l'instant peu d'organismes ont réalisé ou diffusé les résultats de leurs études de lectorat. Quel type de lecteur se connecte-t-il a ces sites? La question du libre acces des enfants a tous les serveurs se pose a nouveau.

III - 6 Comment protéger les enfants?

Un article a l'analyse inquiétante récemment paru dans Communication CB News15 montre qu'aux Etats Unis, les enfants font l'objet d'une véritable invasion de leur vie privée a travers des demandes d'informations personnelles et l'observation de leur utilisation des services en ligne. Le but ultime est de créer des publicités interactives personnalisées pour cibler chaque enfant individuellement. L'article se fonde sur les résultats d'une longue et minutieuse enquete de six mois réalisée au cours de permier trimestre de cette année par Le Center For Media Education (CME), organisme aréricain idépendant. Il en ressort que la publicité est particulierement bien installée sur les sites d'informations et de jeux ou se connectent les enfants. Le Rapport du CME note que la réglementation tres stricte de la publicité dans les programmes pour enfants diffusés par les autres médias n'est pas appliquée sur le Web et autres sites en ligne spécifiquement concus pour les "Cyberkids". Parmi les cinq recommandations qui apparaissen les plus pressantes au CME, la seconde concerne directement notre sujet: "La publicité et les promotions concues pour les enfants doivent etre clairement séparées de l'information et des jeux. La CME demande a la Commission fédérale de prendre des mesures d'urgence.

IV - LA GALAXIE GUTENBERG PROMEUT L'EDITION INTERNAUTE

La copie sur papier de ce que contiennent les supports électroniques a été facilitée par une autre application de l'informatique portant sur les moyens de reproduction des documents. L'amélioration constante de la qualité des photociopieurs alliée a la baisse de leurs couts a énormément accru aussi bien le photocopiage que le photocopillage.

Une autre grande cause de consommation papivore réside dans l'impressionnante quantité de guides, modes d'emploi, dictionnaires multilingues, livrets de toutes natures qui accompagnent tous les matériels informatiques de traitment de texte, d'édition et autres publications assistées par ordinateur (PAO). Ces publications sont gratuites ou plutot comprises dans le prix d'achat des matériels et logiciels.

Un deuxieme type de publications concerne les titres "dédiés". Ces magazines, édités par les constructeurs de matériels ou créateurs de logiciels pour assurer leur autopromotion sont payés par le lecteur.

Une troisieme catégorie de publications regroupe tous les magazines et revues indépendantes des marques qui portent sur Internet. L'étude la plus récente publiée en octobre dernier par le Syndicat National de l'Edition l'évalue a 10% du marché mondial de l'édition. Cette catégorie est de loin la plus importante. Meme si de petits éditeurs parviennent a se maintenir sur des créneaux tres pointus, il s'agit en général de publications assurées par des groupes de presse de grosse taille. Ces magnats suivent l'évolution des techniques et créent autant de titres que semble l'imposer la diversification technologique. Ils ont innové lors de l'arrivée de la micro-informatique et ont suivi toutes les étapes de la PAO. Depuis un ou deux ans, ils se sont investis dans les cédéroms et Internet. Malheureusement la presse spécialisée hexagonale connait bien des faiblesses. C'est ainsi que le groupe francais de presse informatique Edicorp a été repris en juin dernier par le géant britannique Pearson. Il avait créé CD-Rom Magazine en 1995 (29.818 exemplaires vendus selon l'OJD) et vient de lancer. Net (Point Net) consacré a l'actualité de l'Internet. A la différence d'Edicorp, Sepcom a conservé son indépendance et vient de mettre sur le marché "Internet, le guide du Web" qui recense les meilleurs sites de la toile mondiale16. Le tirage annoncé de 75.000 exemplaires parait courageux si l'on se souvient que, selon les soruces, il y aurait en France entre 200.000 et 400.000 foyers utilisateurs d'Internet et autour d'un million d'ordinateurs connectés.

V - RELATIONS ENTRE PRESSE ET PUBLICITE SUR INTERNET

L'un des arguments les plus fréquemment avancés actuellement pour la promotion de la presse sur Internet consiste dans la gratuité de sa consultation. Le lecteur paie son faible abonnement au prestataire de service et le temps d'occupation de sa ligne téléphonique mais ne verse rien au jorunal. Il nous semble que l'avantage se poursuivra peu de temps apres le rodage du processus et lorsque la plupart des titres pourront etre diffusés via le Réseau. On voit mal comment dans le systeme commercial qui est le notre un "service" demeurerait gratuit. L'inconnue (ou presque) reste le role que jouera la publicité lorsqu'elle sera parfaitement structurée sur Internet. On sait l'importance de la manne publicitaire pour la survie actuelle de la presse traditionnelle. Pour se maintenir sur le marché tout journal est vendu deux fois: une fois aux annonceurs, une fois aux lecteurs: Quelles relations entretiendront presse et publicité sur Internet? La publicité sera-t-elle suffisante pour nourrir les entreprises de presse? Si tel était le cas, Internet conserverait-il sa caractéristique intitiale de média gratuit. A moins que le Réseau imite le modele que nous connaissons sur télétel. Dans cette hypothese, un nombre tres élevé de transactions (chaque connexion) est facturé a des prix, tres ou assez, bas. Ce systeme dénommé "d'intermédiation" fonctionne dans un espace relativement restreint (la France), avec un seul opérateur (France Telecom) et une formule de facturation plutot limitée. A contrario, Internet est planétairement ouvert, régi par plusieurs fournisseurs d'acces répartis dans différents pays et le paiement électronique n'est pas encore au point. Néanmoins certains journaux, Le Monde, par exemple, ont déja annoncé "l'acces aux archives avec l'introduction d'un systeme de paiement" dés le 1( janvier dernier17.

Carat Multimédia suit de pres le marché francais de la publicité en ligne. La derniere étude parue sur le sujet fin novembre montre qu'en six mois les acteurs se sont structurés. Pour les spécialistes, les relations entre presse et publicité sont encore embryonnaires sur le Réseau parce que la publicité en ligne a été encore plus lente a démarrer que la presse a se connecter. Mais l'évolution est aujourd'hui rapide. En juin 1996, 45 sites Web faisaient de la publicité, il y en a 113 aujourd'hui. Le marché publicitaire a adopté la meme démarche que le monde de la presse. Certaines centrales d'achat et régies déja existantes ont étendu leurs activités a la publicité en ligne; d'autres se sont créées pour l'occasion. La plupart des jornaux et magazines "bien installés" ont transposé leur politique publicitaire antérieure a leur site en ligne. C'est le cas du Monde (Michle Colonna d'Istria) qui commercialise son offre en ligne via Le Monde Publicité, imité par Pariscope qui a confié son site a sa régie Regiscope. Ce que les professionnels recherchent maintenant, c'est de parvenir a "mesurer le trafic" a défaut de pouvoir connaitre l'impact des messages. Aujourd'hui personne ne peut déterminer si 50.000 connexions proviennent de 50.000 visiteurs ou bien s'il s'agit de 50.000 liaisons réalisées par un seul internaute. Les entreprises de presse et les agences de publicité ont déja sollicité le CESP, Nielsen, Médiamétrie. La Sofres qui se penchera essentiellement sur la mesure des comportements18.

VI - LES CRITÉRES DE SÉLECTION DE L'INFORMATION?

Si la manne publicitaire ne compense pas le cout de l'information, l'information ne sera pas/plus gratuite. Le lecteur ne paiera alors que ce qu'il lit et ne lira que ce qui l'intéresse. L'entreprise de presse mesurera donc la "valeur" de l'information au nombre de connexions. En France, les premiers systemes de "quantification des connexions" qui seront a Internet ce que les mesures d'audience sont a la radio ou a la télévision ont été mis en place par la Sofres en juillet dernier. Les premiers résultats seront publiés a la fin de l'année 9619. Est-ce compatible avec le fonctionnement "en toute liberté" du réseau? On peut alors se demander ce que deviendra l'information "non rentable". Cette "marchandisation" de l'information et donc des contenus culturels, sévit dans un autre secteur éditoial: celui du livre. De nombreuses études en ont déja dénoncé les effets. Elles soulignent a la fois l'importance des "themes" ou formes littéraires difficilement édités (poésie, nouvelles, par exemple) et la quantité encore plus grande d'ouvrages passés au pilon chaque année. Selon quels criteres les informations on line seront-elles sélectionnées: économiques?, géopolitiques?, idéologiques? Des points de vue plus optimistes sont exprimés ici et la. C'est le cas par exemple de Jean-Christophe BEAU qui a créé @-Media Track, société spécialisée en stratégie marketing sur Internet pour McCann Paris lorsqu'il déclare a propos de l'édition sur Internet: "C'est la lecon a retenir des nouveaux médias, plus complexes, évolutifs, transnationaux: intuition et expérience primeront sur la modélisation. Et la morale, finalement positive, de l'hyperinformation pourrait etre que ni argent ni puissance ne suffiront pour etre écouté si l'on a rien a dire ..."20


CONCLUSION

Nul doute que la mise en réseau de la presse va transformer les formes éditoirales et le métier de jouranliste. L'information étant disponible sur tous les serveurs, la valeur du journal résidera dans sa capacité a fournir "une valeur ajoutée". Les entreprises de presse devront éviter de se transformer en agence de presse qui distillent de l'information brute. Néanmoins une surenchere risque de s'installer pour etre le premier a diffuser. Or on a vu, ces derniers années, vers quels débordements la course au scoop a conduit les médias de masse.

Il apparait encore prématuré de dégager avec certitude les caractéristiques de la presse diffusée sur le web et en quoi l'édition électronique pourrait modifier les rapports presse-publicité actuels, mais on voit mal pourquoi les lois du marché auraient des états d'ame a l'égard d'Internet. Les utilisateurs finissent toujours par payer et la rentablilité par l'emporter. Le succes de l'entreprise réside dans sa capacité a évaluer le "juste" montant du service rendu. Pour une fois, la concurrence contribuerait-elle a améliorer la qualité de l'information?

Voici ce que déclare Philipphe QUEAU, bien connu comme chercheur sur les nouvelles technologies devenu depuis peu, directeur de l'information a l'UNESCO: "Désormais, etre éditeur demandera une véritable stratégie de création de valeur symbolique".21 Nous sommes donc loin de la boutade lancée en forme de provocation du président de Hot Wired mentionnée plus haut. Le spécialiste des médias virtuels poursuit ainsi: "Il me semble que la situation joue désormais a l'avantage des assoiffés de connaissances et de commentaires, et contre tous ceux qui se sont longtemps reposés dans la facilité." Souhaitons que l'avenir lui donne raison!

1Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD, Multimédia: Mythes et Réalité in Nouvelles Technologies, modeles sociaux et sciences de l'écrit, Actes du Colloque, AIB-Delagrave, Paris, 1996.
2 Selon les dernieres estimations dont nous disposons datées du 1( juin 1996, 1,6% de la population francaise utiliserait Internet: 350.000 personnes a partir de leur domicile et 255.000 de leur travail. Le reste s'effectuerait dans d'autres lieux de convivilaité: amis, par exemple, et de plus en plus dans les cybercafés. 200.000 foyers seraient équipés, ce qui représente 0.8% de la population francaise et 20% de minitelistes (au total 137.217 ordinateurs francais connectés a Internet). Moins de 0.5% des personnes connectées dans le monde résident en France. La France arrive ainsi en Europe derriere la Suede, juste avant la Noervege et la Suisse et loin apres la Finlande et les Pays Bas, sans parler de l'Allemagne (2 a 3 millions) et de la Grande-Bretagne (au moins 1 million). Ces deux dernieres disposent chacune de trois fois plus d'ordinateurs connectés que la France. Selon les memes estimations, aux Etats-Unis, les utilisateurs d'Internet représenteraient entre 9 et 25 millions et il y en aurait entre 40 et 50 millions dans le monde.
3 cf L'article au titre énigmatique: L'entreprise produit du web de Nicole PÉNICAUT in dossier Multimédia de Libération daté du 29 novembre 1996. C'est nous qui soulignons les mots qui nous semblent clés dans le texte.
4 Cf note (1)
5 La revue mensuelle Écrire & Éditer est publiée par l'Association Calcre (Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition), BP 17, 94404 Vitry Cedex. L'auteur Informatique est le hors-serie n(2, novembre 1996, 84 pages, 70 F.
6 au cours de l'excellente Soirée thématique du mardi 19 novembre 1996 diffusée a 21h35 "Kiss the Future: la révolution Internet".
7 Pierre SIQUIER est vice-président du groupe DDB France et depuis 1995 président de DDB Cybertime, Administrateur de On-Line Magic (BMP DDB London). Cf la rubrique "Opinion" dans Communication CB News du 20 au 26 mai 1996.
8 numéro daté du 2-8 septembre 1996.
9 Si bien qu'apres la faillite d'Europe On Line, les seuls concurrents d'AOL Europe sont microsoft network et Compuserve (700.000 abonnés en Europe).
10 Il s'agit de Cadres on Line mis simultanément sur Internet et sur Minitel le 17 septembre dernier a l'initiative de Liris Interactive, filiale de la CEP. Onze titres de la CEP ont regroupé leurs petites annonces actualisées chaque semaine (2.300 offres en septembre 1996) qui représentent 40% du marché des offres d'emploi.
11 Cf Affaire Thomson: une certaine discrétion article de Michel ALBERGANTI in Supplément Multimédia, Le Monde daté des 24 et 25 novembre 1996.
12 Cf Michel ALBERGANTI, "Internet réinvente la presse écrite" in Supplément Multimédia, Le Monde daté des 24 et 25 novembre 1996.
13 Cf l'article de Natacha Quester-Séméon Presse écrite sans papier dans le dossier PlanetCyber du mensuel Science et Avenir de novembre 1996.
14 Cf La rubrique Internet in Communication CB News daté du 15-21 avril 1996.
15 USA: Faut-il protéger la vie privée des cyberkids contre la publicité interactive? in CB News daté du 15-21 avril 1996.
16 Cf l'article de Frédéric ROY in Communication CB News daté du 4 au 10 novembre 1996.
17 Cf Le Monde daté des 21-22 janvier 1996, Supplément Radio, TV, Multimédia.
18 Cf "L'espace publicitaire du Web se plie a une vraie logique de marché" in Communication CB news n( 459 daté du 2 au 8 décembre 1996.
19 Pour mesurer l'audience du Web,la Sofres a constitué un panel représentatif des Francais possesseurs de micro-ordinateur. D'abord le panel comptait 200 foyers équipés, dont 100 équipés d'un PC multimédia. Les peremiers résultats seront publiés fin 1996, date a laquelle le panel passera a 500 foyers. La méthode utilisée est celle de NPD, lancée fin 1995 aux USA.
20 dans la rubrique "Opinion" de Communication CB News du 12 au 19 mai 1996.
21 in Presse écrite sans papier cf note (13).